La Chine a maintenu jeudi un couvercle hermétique sur le 20e anniversaire de la répression de la nuit du 3 au 4 juin, s'assurant avec un appareil sécuritaire omniprésent et un contrôle sans faille des médias qu'aucune commémoration ne viendrait troubler l'ordre public.
Pékin a exprimé jeudi son "profond mécontentement" après l'appel lancé la veille par la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, à la publication des noms des personnes tuées, disparues ou arrêtées lors de la répression des manifestations de juin 1989.
"Cet acte des Etats-Unis comporte des accusations sans fondement contre le gouvernement chinois. Nous exprimons notre profond mécontentement", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Qin Gang lors d'un point-presse régulier.
La chape de silence en Chine contraste avec les multiples manifestations ou cérémonies du souvenir prévues sur tous les continents jeudi, jusqu'aux portes de l'empire du Milieu, à Hong Kong, où sont attendues 100.000 personnes pour une veillée.
La place Tiananmen, épicentre de sept semaines de manifestations qui s'étaient conclues par un bain de sang faisant de 241 à des milliers de morts selon les sources, était ouverte au public jeudi mais dans des conditions symptomatiques de l'extrême tension entourant cet anniversaire.
En matinée, la place la plus grande, et probablement la plus surveillée du monde, était quadrillée par des centaines de policiers en uniforme et en civil qui assuraient des contrôles de ses accès dignes de ceux d'un aéroport: détecteurs de métaux, vérifications d'identité, fouilles des sacs et même des poches des visiteurs.
"Il y en a plus que de touristes", dit un retraité, qui s'identifie simplement comme M. Xiang, au sujet des membres de la sécurité, "ils ont été amenés par plus de 40 autobus".
Les touristes et promeneurs arpentaient l'esplanade en nombre habituel et ne semblaient pas avoir suivi l'appel de la dissidence en exil à se vêtir de blanc, couleur du deuil.
Une réglementation inédite, l'obligation faite aux journalistes d'obtenir une autorisation pour se rendre place Tiananmen, empêchaient ceux-ci de facto de travailler et des correspondants de presse ont été refoulés.
Ce 20e anniversaire de la nuit du 3 au 4 juin 1989, qui avait fini en tragédie aux abords de Tiananmen et dans d'autres quartiers, infligeant un traumatisme aux Chinois et stupéfiant le monde entier, n'a apparemment été marqué par aucune commémoration publique dans la capitale.
Dans certains quartiers comme Muxidi (ouest) où de nombreux manifestants avaient trouvé la mort lors de l'intervention de l'armée, le déploiement policier était, dans la nuit de mercredi à jeudi, propre à empêcher toute action symbolique, a constaté l'AFP.
Par précaution, de nombreux dissidents avaient été emmenés hors de Pékin ou confinés chez eux.
Aucun trouble n'a été rapporté non plus dans les villes de province, sur lesquelles avait aussi soufflé le vent des aspirations démocratiques il y a vingt ans.
Le régime communiste s'est assuré que le sujet toujours tabou du 4 juin n'apparaisse pas sur l'internet, et jeudi encore, les services comme Bing, moteur de Microsoft, Hotmail, ou le réseau social Twitter étaient inaccessibles.
La presse chinoise était muette. De manière inhabituelle, un article sur "l'incident du 4 juin", a été publié par le Global Times, du groupe du Quotidien du Peuple -- organe du Parti communiste -- et notait que "vingt ans après, la discussion publique sur ce qui s'est passé ce jour-là est quasiment absente de la société en Chine".
Mais il s'agit de la version du journal destinée à un public anglophone, et qui précise que le régime communiste a fait le bon choix il y a vingt ans, en réprimant la révolte.
S'en tenant toujours à la version datant de Deng Xiaoping d'une "rébellion contre-révolutionnaire", la Chine de 2009 n'a donné aucun signe de vouloir ré-examiner le jugement officiel sur le 4 juin, ignorant le dernier appel en ce sens, lancé la veille de Washington.
"Une Chine (...) qui est en train de trouver sa juste place au premier plan sur la scène internationale devrait examiner ouvertement les pages sombres de son passé et publier le décompte de ceux qui ont été tués, arrêtés ou ont disparu, pour en tirer des leçons et panser ses plaies", a déclaré la secrétaire d'Etat Hillary Clinton.